Le 28 novembre 2016, les syndicats LCGB et OGBL ont soulevé lors d’une conférence de presse 6 points contenus dans le projet de réforme fiscale qui appellent une nécessaire clarification sur leur praticabilité et leur application concrète et qu’il conviendrait d’étudier et de discuter en profondeur avant que les mesures n’aient force de loi.
- Choix à priori et sans visibilité de la classe d’impôt pour résidents et non-résidents
La nouveauté en termes d’organisation des classes d’impôt concerne les contribuables mariés. Ceux-ci devront tenter de choisir entre imposition collective ou imposition individuelle avant le 31 décembre de l’année qui précède.
La compréhension du système demandera encore davantage d’expertise qu’auparavant pour réaliser le choix le plus approprié à la situation personnelle des contribuables mariés.
Le choix difficile de la classe d’impôt repose sur les seuls contribuables mariés. En cas d’imposition individualisée, ce choix devra même être anticipé et sera irrévocable.
Ceci pose deux grands problèmes pour les concernés :
– premièrement, il faut bien comprendre les différents régimes entre lesquels on doit choisir et les conséquences fiscales de ce choix ;
– deuxièmement, personne ne dispose, avant l’année en question, des informations sur les revenus annuels globaux en fin d’exercice.
Idéalement, l’Administration des contributions directes devrait pouvoir donner des indications aux contribuables mariés sur les conséquences fiscales des différentes options qui s’offrent à eux.
Pour lever ces difficultés, les syndicats proposent que pour l’ensemble des contribuables mariés le choix de sa classe d’impôt (c.à.d. de son option d’imposition) soit réalisé a posteriori, dans le cadre d’une déclaration d’impôt.
- Manque d’uniformité dans les classes d’impôt
Le droit commun pour les contribuables mariés diverge en fonction de leur lieu de résidence : imposition en classe 2 pour les résidents (sauf demande contraire) et en classe 1 pour les non-résidents (sauf demande contraire).
Il est proposé de ranger tous les contribuables mariés en classe 2, indifféremment de leur lieu de résidence : sur demande par le biais d’une déclaration, en fonction de sa situation propre, le contribuable non résident pourra passer en classe 1 classique ou en imposition individuelle nouvellement introduite par le projet, si cela lui est plus favorable.
Concrètement, ceci revient à inverser la logique qui prévaut pour les non-résidents et à les placer dans le mécanisme d’opt-out ouvert au résident marié par l’imposition individuelle.
- Des conditions d’accès à l’imposition collective resserrées et restrictives
Les contribuables mariés non-résidents obtiennent actuellement la classe 2 si 50% du revenu professionnel du ménage sont imposables au Luxembourg. En outre, si 90% des revenus personnels indigènes et étrangers d’un des membres du couple marié sont imposables au Luxembourg, ils peuvent être assimilés aux résidents, c’est-à-dire déclarer tous leurs revenus au Luxembourg et bénéficier de toutes les possibilités de déductions à l’instar des résidents (article 157ter).
Après la réforme, il ne faudra atteindre que le seuil des 90% des revenus indigènes et étrangers imposables (d’un des membres du ménage) au Luxembourg pour avoir accès à la classe 2 et en même temps être assimilé complètement (et donc, pouvoir accéder à une imposition collective).
Cette condition de 90% risque d’exclure bon nombre de contribuables de la classe d’impôt 2 (notamment les retraités, cf. infra) qui seront alors imposés définitivement en classe 1 tout en étant mariés.
Les syndicats proposent de supprimer toute condition de seuil (d’assimilation ou d’obtention d’une classe d’impôt) pour les contribuables non-résidents mariés.
- Des retraités également fortement touchés
La question du seuil de revenus sera aussi particulièrement pénalisante pour les retraités non-résidents dans la mesure où l’immense majorité d’entre eux a travaillé dans plusieurs pays et perçoit également une pension étrangère. Seule une imposition en classe 1 sera possible à l’avenir si moins de 90% de leur pension provient du Luxembourg.
Les syndicats proposent de réévaluer les conditions de seuil et, à l’instar de la demande pour les actifs, de ranger les retraités mariés en classe 2, comme le sont les retraités résidents mariés.
- Des partenaires qui disposent de plus de flexibilité
Les couples mariés en présence d’un enfant à charge ne bénéficieront pas de la classe 1A en cas d’imposition individuelle.
Il en sera de même pour un contribuable marié non résident qui ne parviendrait pas à atteindre le seuil des 90% (voir points 3 et 4 ci-dessus) et à accéder à l’imposition collective en classe 2.
Les couples sous le régime du partenariat légal pourront, quant à eux, bénéficier pour partie de la classe d’impôt 1A en présence d’un enfant à charge, voire être imposés collectivement s’ils en font le choix en fin d’année.
Les syndicats proposent de réexaminer cette différence d’approche qui pénalise lourdement certains contribuables mariés.
- De possibles conséquences négatives sur le revenu disponible des contribuables résultant de l’application du CIM et du CIS
Les modalités d’application du crédit d’impôt salarial (CIS), du crédit d’impôt pour pensionné (CIP) et du crédit d’impôt monoparental (CIM) restent pour le moins floues.
Les nouvelles dispositions font maintenant référence au revenu annuel brut des contribuables pour ouvrir le droit au CIS et au CIP (et au revenu imposable ajusté annuel des contribuables pour le CIM) ainsi que pour déterminer le montant de ces 3 crédits d’impôt.
Or, comme mentionné précédemment, les questions du niveau des revenus annuels (bruts / imposables ajustés), des revenus étrangers du ménage, de pensions alimentaires, de temps de travail, du nombre d’employeurs sont imprévisibles et des mécanismes resteront nécessaires pour faire face à ces inconnues en fin de l’exercice. Il est primordial d’assurer que le contribuable aura perçu mensuellement le montant garanti par la loi au niveau des différents crédits d’impôts.
Les syndicats proposent de clarifier les modalités pratiques d’application qui entourent les nouvelles formules de ces deux crédits d’impôts.
Ces 6 éléments vont provoquer une insécurité juridique importante, voire des dégradations financières dont les contribuables salariés seront les premières victimes. Qui dit insécurité juridique, dit potentielles clarifications auprès des tribunaux.
Au regard de ces différentes considérations, le LCGB et l’OGBL demandent que les mesures dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2018 soient retirées du projet et reportées sine die jusqu’à ce qu’une analyse fine de leurs conséquences et d’alternatives limitant les dommages fiscaux collatéraux ait pu être conduite.
Retourner vers la liste