Lettre ouverte au Président de la Chambre des Députés et au Premier Ministre

Dotons le Centre pour l’Egalité de Traitement (CET) de réelles compétences et de suffisamment de moyens pour lutter contre les phénomènes discriminatoires en général et le racisme en particulier

Le Luxembourg est un des rares pays démocratiques au monde dont le seuil de la population étrangère avoisine les 50 pour cent. Cette situation particulière nous oblige à être vigilants et proactifs dans le combat contre toute forme de racisme ou de xénophobie.

Malheureusement, les efforts de l’État et de la société civile ne sont pas encore suffisants pour réagir et répondre pleinement aux situations auxquelles les institutions et organisations non-gouvernementales actives sur le terrain sont régulièrement confrontées.

Comme le démontrent les résultats pour le Luxembourg de l’étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) « Being Black in the EU »[1], sur les sentiments de discrimination et les attitudes racistes déclarés par les immigrés et les descendants d’immigrés originaires d’Afrique, ces populations doivent faire face à des préjugés largement répandus et fermement ancrés ainsi qu’à l’exclusion et à la discrimination.

S’ajoutent un ressenti et un vécu de la part des Luxembourgeois « différents » qui, par exemple, par leur couleur de peau, continuent à être perçus comme des « étrangers ».

Un organisme de veille et d’action doté de réelles compétences et de moyens suffisants

Dans son rapport publié le 28 février 2017[2], la Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI) émet un avis mitigé sur notre pays.

L’ECRI recommande « aux autorités luxembourgeoises (i) d’attribuer au Centre pour l’égalité de traitement le droit d’être saisi de plaintes, (ii) de donner au Centre pour l’égalité de traitement et à la Médiateure les pouvoirs nécessaires pour mener des enquêtes efficaces (notamment ceux d’exiger la production de documents et autres éléments ; de faire saisir de tels documents et autres éléments ; et d’interroger des personnes), (iii) de leur conférer le droit d’agir en justice et (iv) de leur procurer le droit d’intervenir dans les procédures judiciaires et administratives. ».

Les signataires ne peuvent que se rallier à cette recommandation.

Pour nous le moment est venu pour rassembler dans notre pays des efforts jusqu’à présent trop épars, de trouver des synergies, de fédérer les bonnes volontés et d’avoir une instance unique et neutre.

Les soussignés considèrent qu’il ne faut pas créer un nouvel organisme, mais doter le Centre pour l’Égalité de Traitement (CET) de plus de compétences, de plus de missions et surtout de plus de moyens, pour travailler en toute indépendance politique, idéologique et religieuse, afin de mener ses objectifs d’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la nationalité, la race ou l’origine ethnique, le sexe, l’orientation sexuelle, la religion ou les convictions, le handicap et l’âge.

 

Il nous paraît donc indispensable que le CET dispose d’un statut de réelle indépendance. L’ancrage du CET auprès de la Chambre des Députés, en vigueur depuis 2017 est certes la bonne direction mais il faut aller plus loin, notamment en matière de moyens et de compétences réelles, de même que des procédures claires et justes afin que le CET puisse traiter les questions et dossiers sensibles qui lui sont confiés. La dotation budgétaire devrait lui permettre de couvrir outre ses coûts salariaux, des frais connexes liés à l’accès à des ressources extérieures.

Les signataires restent convaincus que le combat contre toutes les formes de discrimination nécessite des compétences particulières et un accompagnement institutionnel conséquent..

Dans un État de droit, c’est la loi qui prime, quels que soient les bonnes intentions et les appels à la diversité que la classe politique du Luxembourg ne cesse d’exprimer. C’est pourquoi les soussignés:

  • appellent le législateur à modifier la loi du 28 novembre 2006 en conférant au CET le pouvoir d’ester en justice ;
  • réclament une augmentation substantielle de la dotation budgétaire et du cadre de personnel du CET à courte échéance ;
  • demandent au législateur de nommer le CET afin de promouvoir, d’analyser et de surveiller l’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la nationalité (ajout à l’article 9 de la loi du 28 novembre 2006).

 

Luxembourg, le 27 avril 2020

Les signataires :

  • 4 motion
  • APL – Amitié Plurielle Luxembourg
  • ASTI – Association de soutien aux travailleurs immigrés
  • CCDH – Commission consultative des Droits de l’Homme
  • CCPL – Confédération de la Communauté portugaise au Luxembourg
  • CEFIS – Centre d’étude et de formation interculturelles et sociales
  • CERCLE de Coopération des ONGD
  • CIGALE – Centre d’information Gay et Lesbien
  • CLAE – Comité de Liaison des Associations d’étrangers
  • CNFL – Conseil national des femmes du Luxembourg
  • FAEL – Fédération des associations d’espagnols du Luxembourg
  • FINKAPÉ – Réseau afrodescendant Luxembourg
  • Info-Handicap
  • LCGB – Confédération luxembourgeoise des syndicats chrétiens
  • Maison des associations
  • MémoShoa Luxembourg asbl
  • Musée National de la Résistance
  • Nëmme mat eis !
  • Observatoire de l’islamophobie
  • Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher
  • RYSE – Refugee youth support & empowerment
  • Rosa Lëtzebuerg
  • Time for equality

 

 

[1] https://fra.europa.eu/en/publication/2018/being-black-eu

[2] https://rm.coe.int/cinquieme-rapport-sur-le-luxembourg/16808b589c – P.33

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