Editorial « Soziale Fortschrëtt » : Changement de paradigme

Le 3 septembre 2025, le Premier Ministre a pris la décision de mettre fin aux négociations entamées en juillet entre le gouvernement et les partenaires sociaux.

La décision du gouvernement sera sans nul doute lourde de conséquences. La volonté affichée, depuis l’entrée en fonction du gouvernement, de remplacer les négociations basées sur le modèle tripartite luxembourgeois par une approche basée sur la consultation des partenaires sociaux suivie d’une décision unilatérale du gouvernement est donc devenue réalité.

Loin d’être anodin, ce changement au niveau de la méthode représente un véritable changement de paradigme au niveau de la politique du gouvernement.

Le 3 septembre 2025 pourrait ainsi être considéré comme une date fatidique, marquant la fin annoncée d’un modèle qui a fait ses preuves : le modèle tripartite, fondé sur les négociations dans un respect mutuel avec la volonté clairement affichée de trouver un consensus, un compromis qui répond aux questions posées par un environnement économique souvent en profonde mutation.

Le modèle tripartite est ainsi à la base du succès économique de notre pays qui a su transformer les défis posés jadis par la nécessité de restructurer les sites de la sidérurgie luxembourgeoise, de trouver des solutions par rapport aux sureffectifs successifs en conséquence des étapes de cette restructuration, en opportunité pour le développement et la diversification de notre économie.

Au-delà de son rôle économique, ce modèle tripartite a renforcé le modèle social luxembourgeois, garantissant cohésion, paix sociale et un climat de confiance entre les partenaires.

Indépendamment de la composition des gouvernements successifs ou des personnalités représentant les partenaires sociaux, la méthode tripartite a fonctionné pendant près de cinquante ans avec comme pilier le consensus sur la méthode et le succès incontesté du modèle.

Or, la politique actuelle du gouvernement, à l’opposé de ce modèle tripartite, s’est traduite par une détérioration du climat social et des relations entre les partenaires sociaux.

Les réunions de la « ronde sociale » n’étaient en effet pas marquées par le respect et la bonne entente mais plutôt par la méfiance et la mésentente entre les partenaires sociaux.

L’action du gouvernement et les réactions des représentants des employeurs au cours des différentes réunions montrent des indices clairs et nets que bon nombre d’éléments de la politique du gouvernement sont la conséquence de promesses et d’engagements à la légère par rapport aux représentants de l’UEL.

En l’occurrence, il s’agit des projets en relation avec les fameux accords d’entreprises, le travail dominical et les heures d’ouverture en vigueur dans le commerce.

La campagne du « Schwätz mat! » relative à une réforme envisagée du système d’assurance-pension est une autre preuve à l’appui de la nouvelle méthode du gouvernement.

Ecarter les organisations syndicales du sujet et remplacer les négociations tripartites par une très large « consultation nationale » où juste la façade par rapport au grand public avait une importance toute relative.

La décision annoncée par le Premier Ministre concernant la réforme de l’assurance pension lors de son discours en mai de cette année n’avait plus rien à voir ni avec le processus de consultation ni avec le modèle tripartite pourtant affiché comme élément indispensable au moment de sa candidature en tant que tête de liste et le programme électoral de son parti.

Un programme qui voulait « entretenir le dialogue social au quotidien » et se « concerter régulièrement avec les partenaires sociaux » afin « de prendre toutes les décisions importantes au sein d’une tripartite bien préparée ensemble avec les partenaires sociaux ».

La réalité en est une tout autre et face à l’intransigeance de la politique du gouvernement les organisations syndicales ont dû réagir en créant l’Union des syndicats OGBL-LCGB et en lançant une vaste campagne de mobilisation qui a trouvé son apogée avec le succès de la manifestation du 28 juin 2025 avec plus de 25.000 participants.

En conséquence de ce succès indéniable, le gouvernement a dû revoir sa copie.

Les conclusions présentées le 3 septembre par le Premier Ministre ne sont donc ni un résultat obtenu par voie de négociation selon notre ancien modèle tripartite, ni le résultat de la nouvelle méthode consulter-décider affichée par notre Premier Ministre.

Les conclusions présentées par le Premier Ministre ont été marquées et très fortement influencées par la mobilisation et le succès du 28 juin 2025 et une coopération structurée des deux grandes organisations syndicales au sein de l’Union des syndicats OGBL-LCGB.

La voie sur laquelle le Premier Ministre s’est donc engagé est la voie de la mobilisation pour les organisations syndicales réunies au sein de l’Union des syndicats OGBL-LCGB qui devront donc également procéder à un changement de paradigme au niveau de leur méthode de travail.

Notre pays est donc entré, le 3 septembre 2025, dans une nouvelle ère qui risque d’être fortement marquée par l’instabilité. La paix sociale n’est plus garantie mais elle sera menacée par chaque décision unilatérale du gouvernement !

Patrick DURY
Président national du LCGB

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