Après la fuite de milliers de documents confidentiels d’Uber, plusieurs médias internationaux ont révélé les secrets qui ont contribué au succès de l’entreprise américaine. Ces documents mettent en lumière les pratiques douteuses d’Uber, qui lui ont permis d’imposer sa présence sur le marché mondial grâce à une stratégie de lobbying agressive. Les dossiers divulgués témoignent non seulement de l’implication de plusieurs dirigeants gouvernementaux, mais aussi celle de la Commission et du Parlement européen qui, malgré de multiples scandales, sont prêts à soutenir ce modèle commercial controversé. Les UberFiles attestent aussi de la façon dont Uber s’organise pour esquiver la justice et imposer ses pratiques commerciales au détriment des droits des travailleurs.
Ces documents confidentiels surgissent tandis que le Parlement européen et le Conseil européen examinent le projet de directive visant à améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes, publié le 9 décembre 2021. Ils expliquent aussi en grande partie le manque de volonté des institutions européennes de faire avancer le dossier. En effet, dans son programme pour l’année 2022, la présidence française du Conseil européen avait clairement indiqué qu’elle « débutera également des discussions sur la proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes. » Notons toutefois que jusqu’à la fin de la présidence française, Emmanuel Macron n’ait pas fait le moindre effort pour proposer des initiatives concrètes en faveur des travailleurs des plateformes. Cela est peu surprenant compte tenu du fait que le président français entretenait déjà des relations importantes avec le patron d’Uber lorsqu’il était ministre de l’Économie.
Pour ce qui est de la Commission, celle-ci a à plusieurs reprises rencontré les dirigeants d’Uber sans que cela ait été rendu public. Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission et chargée de la politique numérique de 2010 à 2014, avait notamment fait du lobbying en secret pour Uber. Quant au Parlement, ce dernier a également été fortement impliqué dans les pratiques abusives de l’entreprise américaine. Récemment les groupes du Parlement européen Renew Europe et le Parti populaire européen (PPE) ont introduit des amendements au projet de directive qui correspondent exactement aux demandes formulées par Move EU, une plateforme de lobbying dont Uber est membre. L’un des principaux objectifs de la plateforme de lobbying et des parlementaires qui ont déposé des amendements à la proposition de directive, vise à contourner les dispositions en matière du droit du travail et d’empêcher que les travailleurs des plateformes se voient accorder le statut de salarié et pour continuer à les embaucher en tant que soi-disant « indépendants ».
Outre les stratégies de lobbying controversées, les dossiers d’Uber montrent également les pratiques de la société pour faire face à la justice et contourner les enquêtes gouvernementales. Selon les documents publiés, les dirigeants de la société pouvaient activer un interrupteur, le « kill-switch », qui leur permettait de bloquer l’accès aux serveurs de la société et d’empêcher les autorités de saisir des documents compromettants.
Le Secrétariat européen commun de l’OGBL et du LCGB (SECEC) estime que ces révélations montrent à nouveau ce modèle commercial douteux d’Uber et critique fermement la participation des chefs d’État, de la Commission et du Parlement dans ce scandale retentissant. Par conséquent le SECEC réitère sa demande d’une directive forte qui garantit des conditions de travail et des salaires équitables pour les millions de travailleurs des plateformes et de mettre fin à toute forme d’exploitation.
Notes :
Uberfiles : https://www.icij.org/investigations/uber-files/uber-global-rise-lobbying-violence-technology/ (consulté le 18 juillet 2022)
UberFiles : les eurodéputés doivent enquêter sur le lobbying anti-travailleurs auprès de l’UE : https://www.etuc.org/fr/pressrelease/uber-files-les-eurodeputes-doivent-enqueter-sur-le-lobbying-anti-travailleurs-aupres (consulté le 18 juillet 2022)
Dans le cadre du scandale “UberFiles”, la Confédération européenne des syndicats (CES) soutient une pétition de WeMove Europe qui demande une directive de plateforme forte établissant une présomption de relation de travail pour tous les travailleurs de plateforme. La pétition est adressée aux chefs d’État de l’UE et aux membres du Parlement européen. Elle a été lancée le mercredi 13 juillet 2022 et a déjà recueilli plus de 25 000 signatures :
https://act.wemove.eu/campaigns/stop-uber
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