Alors que le projet de budget de l’Etat 2021 devrait être voté au cours du mois de décembre par la Chambre des Députés, les syndicats nationalement représentatifs CGFP, LCGB et OGBL expriment leur opposition à la modification de la législation concernant l’indexation des salaires prévue par ce même projet. En effet, le gouvernement souhaite sortir la taxe CO2 nouvellement introduite de l’indice des prix à la consommation, et donc neutraliser l’effet que cette taxe aura sur les prix des produits pétroliers au niveau du panier de consommation, à la base de l’indexation des salaires.
Il est choquant que cette mesure, qui répond à une revendication patronale, n’ait été évoquée à aucun moment lors du discours sur l’Etat de la Nation du Premier ministre ni lors du discours du ministre des Finances à l’occasion du dépôt du projet de budget. Il en résulte l’impression que le gouvernement veut modifier l’index « en cachette ».
Il est vrai que l’actuelle contribution « changement climatique » (plus connu sous le nom de « Kyoto-Cent ») était déjà neutralisée au niveau de l’indice des prix. Cette neutralisation faisait partie des mesures de manipulation de l’index qui avaient été retenues par la Tripartite nationale en 2006 pour faire face un prétendu dérapage de l’inflation, qui ne s’est jamais matérialisé par la suite. Comme la désindexation des allocations familiales, la neutralisation du « Kyoto-Cent » au niveau du panier à la base de l’indexation des salaires a été une mauvaise décision et aurait dû être levée il y a longtemps.
L’impact retardataire d’une neutralisation de la taxe carbone sera toutefois beaucoup plus fort que celui du « Kyoto-Cent », étant donné que l’impact financier de la nouvelle taxe carbone est bien plus élevé que celui de la contribution existante qui sera intégrée dans la nouvelle taxe. Ainsi, en ce qui concerne l’essence, on passe de 2,5 ct sur le litre à 6,9 ct, pour le diesel, on passe de 3,5 ct. à 8,4 ct. (ces deux montants sont à lire hors TVA, puisque la taxe CO2 sera aussi soumise à la TVA) au 1er janvier 2021. Il est déjà prévu d’augmenter ces montants encore en 2022, puis en 2023.
Pour la CGFP, le LCGB et l’OGBL, il est inacceptable de manipuler ainsi l’indexation des salaires, sans réelle motivation indiquée. Il est à rappeler par ailleurs que les accises font partie intégrante du dit « panier de la ménagère ». La nouvelle taxe carbone devrait aussi y figurer, pour refléter l’évolution des prix réels payés par les consommateurs. Rappelons à cet égard que l’index n’est en soi ni une mesure de politique sociale, ni une mesure de redistribution des richesses, ni un instrument de la politique environnementale, mais seulement un mécanisme permettant de maintenir le pouvoir d’achat réel.
D’ailleurs la gratuité des transports publics introduite le 1er mars 2020, qui aura un effet retardataire certain sur le déclenchement de la prochaine tranche indiciaire, n’a pas été neutralisée au niveau du panier.
Le gouvernement s’était engagé dans son programme de coalition à ne pas modifier le système actuel de l’indexation. Or, la sortie de la taxe CO2 du panier de la ménagère constitue une manipulation indirecte de l’index. Les trois syndicats nationalement représentatifs appellent donc le gouvernement à amender son projet de budget et à supprimer la neutralisation de la taxe CO2 au niveau de l’indexation des salaires.
Aux yeux des syndicats, les compensations sociales pour la nouvelle taxe restent insuffisantes. En même temps, il faut éviter une double charge pour le contribuable, qui non seulement se voit imposer une nouvelle taxe, mais est en même temps privé d’une compensation pour cette hausse du coût de la vie au niveau de l’index. Les syndicats ne s’opposent pas à une politique volontariste en matière de protection du climat, bien au contraire, mais elle part dans la mauvaise direction si elle est créatrice de nouvelles inégalités sociales.
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