Futur travail : dumping social ou nouvelles formes de travail attractives ?
La digitalisation changera notre monde, c’est clair. Les perceptions quant aux évolutions technologiques sont pourtant très mitigées. Alors que la dernière génération des smartphones est célébrée avec du vive enthousiasme, la digitalisation omniprésente des processus courants crée des angoisses pour le futur avec un sentiment sociétal d’insécurité profonde.
Son origine dans les années 60 avec l’apparition des premiers ordinateurs centraux industriels, la digitalisation s’est intensifiée avec l’introduction du PC au début des années 80 et bat aujourd’hui son plein.
L’automatisation industrielle existe depuis que la production industrielle existe. La production est aujourd’hui marquée par l’utilisation quotidienne de robots. L’internet, les réseaux mobiles et le GPS de plus en plus performants, à travers une interconnexion permanente des systèmes existants, permettent une méthode de travail de caractère unique.
Les robots produisent la marchandise. Les camions et transporteurs peuvent être localisés en permanence pour ainsi contrôler et diriger le flux des marchandises. Des salariés virtuels répondent aux questions des clients. Au niveau du commerce en ligne, le clic de souris et le débit de la carte de crédit déclenchent une chaîne de distribution, qui finalement livre l’article à la porte d’entrée de la maison. Des robots chirurgicaux peuvent exécuter les interventions plus rapides et plus précises que l’homme…
Tout ce qui semble technologiquement possible ne sera pourtant pas mis en œuvre. Les facteurs économiques vont en fin de compte dicter, quelles applications digitales seront utilisées.
La digitalisation affectera notre manière de vivre ensemble et notre société en général. Le travail et le monde de travail vont jouer un rôle central. Des nouveaux emplois et des nouvelles formes de travail vont émerger. Le télétravail digital est aujourd’hui une alternative viable pour éviter l’effondrement du trafic.
La situation d’un salarié en télétravail digital relève pourtant des retombées quant à la relation de travail. Est-ce que ce salarié disposera d’un contrat de travail normal, avec un ou peut-être plusieurs employeurs ou est-il, de même qu’un indépendant, constamment à la recherche de nouvelles commandes ? Est-ce qu’un tel salarié sera en fin de compte vraiment indépendant ?
L’employeur, va-t-il encore avoir besoin d’un grand siège social quand il utilisera le télétravail ou une partie de son entreprise se « virtualisera » en vue d’une digitalisation répandue ? Ce processus n’entraînera non seulement des questions légales quant aux contrats et relations de travail, ces fausses indépendances vont impacter et, à long terme, fragiliser le lien entre salarié et employeur.
Des agences de services digitaux, déjà bien connues à l’étranger, ne se limitent plus aux domaines technologiques récemment crées, comme par exemple le call center, les opérations bancaires ou le commerce en ligne, mais s’implantent de plus en plus à travers des domaines économiques établis (p.ex. l’entretien, les services de livraison, les taxis).
Ce développement souligne à nouveau la question de la relation entre client et prestataire respectivement la question de quelle relation de travail à appliquer. Au lieu d’être réglé par un nouveau mais mauvais statut, le télétravail digital devra être réalisé moyennant un contrat de travail à durée indéterminée adapté, qui prendra en compte les droits universels en matière de la sécurité sociale.
L’indépendance digitale devra, surtout pour des services créatifs ou très spécifiques, être particulièrement assurée à travers une définition légale sans faille du principe de la commande pour les travaux digitaux avec une définition claire des droits et obligations résultants tant pour le prestataire que pour le client.
Des travaux moyennant une plate-forme digitale permettront le traitement et l’analyse décentralisés et rapides de données. Une création de valeurs à l’aide de données se mettra en place.
Afin de régler de manière précise, qui est le propriétaire des données et des valeurs créées, les droits d’auteur doivent être adaptés (donneur d’ordre, exécuteur).
Si le client, suivant le principe de la commande, demande les services de travail digital de différents prestataires, il faudra également définir à qui appartiennent les produits résultants et à partir de quel moment.
Si une entreprise demande par exemple des plans de différents prestataires et ne retient qu’un seul plan, qui est payé en conséquent, la question quant à la propriété des autres plans se pose. Est-ce que le prestataire peut offrir les mêmes plans aux entreprises concurrentes ?
Les droits d’auteur devront résoudre ces questions, non seulement quant aux produits du travail digital non vendus, mais également quant au recueil de données dans son intégralité, la matière brute, bien évidemment le produit ainsi que quant aux données traitées d’une manière dictée par le client respectivement les applications potentielles y résultantes.
Le fondement de cette économie de données est équivalent à notre empreinte quotidienne dans le monde digital. Nos déplacements, nos visions et nos visualisations conjointement avec nos habitudes de consommation forment la « matière brute » du traitement des données.
La publicité ciblée n’est qu’un élément résultant de cette chaîne de valeur. Les scandales récents quant à une influence du service secret russe au niveau des dernières élections présidentielles aux Etats-Unis ou au niveau du référendum Brexit au Royaume-Uni, relèvent les dangers créés par les nouvelles (im)possibilités technologiques, qui pourraient bouleverser les valeurs fondamentales des démocraties occidentales.
Qu’est-ce qui se passe avec nos métadonnées ? « Big Brother » devient-il une réalité dans un environnement digital afin de sonder et espionner nos habitudes non seulement dans le domaine de la consommation ?
Et la limite ?
La directive européenne en matière de la protection des données semble être un point de départ intéressant. Les prochaines années doivent prouver, si cette directive est suffisante ou si elle doit être adaptée.
Finalement, la question des répercussions de la digitalisation pour le maillon le plus faible de la chaîne, l’homme, se pose… que ce soit en tant que client, salarié ou simplement en tant que « jonction vivante » dans un monde entièrement automatisé et digitalisé.
La digitalisation devra offrir des perspectives intéressantes aux salariés. Les craintes existentielles entraîneront des frictions en entreprise avec une perte de productivité à ne pas sous-estimer.
Il est alors indispensable d’améliorer et d’adapter la relation de travail existante : le contrat de travail. Des fausses indépendances sont à éviter à l’aide de socles minimaux (temps de travail et/ou volumes).
Retourner vers la liste